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Ragoût de chevreuil à la royale – héritage de la cuisine française de gibier
Ragoût de chevreuil à la royale – héritage de la cuisine française de gibier
Découvrez la recette traditionnelle du ragoût de chevreuil à la royale, plat de gibier noble et festif, mijoté au vin rouge avec lardons, aromates et réduction au foie gras.
Anecdote
Au début du XVIIIᵉ siècle, lors d’un grand banquet de chasse organisé par le duc de Bourgogne, le chevreuil fut servi avec une sauce onctueuse liée au foie gras, accompagné de garnitures fines de champignons et de lardons. Selon les chroniques culinaires, le jeune duc, épris d’une lady venue de la cour voisine, fut si séduit par la délicatesse du plat qu’il l’aurait déclaré “plus digne d’un cœur amoureux que d’une simple table”.
Dans une autre version, Louis XV, connu pour son goût raffiné et ses plaisirs de table, aurait eu une préférence marquée pour ce ragoût, en particulier lors des chasses en Sologne. La tradition rapporte qu’il demandait personnellement à son chef de veiller à ce que le gibier soit cuit avec soin, nappé d’une sauce au foie gras et servi avec élégance, afin d’impressionner ses invités et de transformer le repas en véritable célébration de l’art de la table et de la séduction.
Légende
On raconte que certains repas royaux en Sologne ou en Bourgogne comportaient un ragoût de chevreuil longuement mijoté, nappé d’une sauce au vin rouge et au foie gras, symbole de générosité et d’élégance. Les seigneurs et rois de l’époque appréciaient particulièrement la richesse aromatique et la tendreté de la viande, souvent accompagnée de garnitures simples mais raffinées.
Ustensiles nécessaires
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Cocotte en fonte émaillée avec couvercle hermétique
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Couteau de chef et couteau d’office
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Planche à découper stable
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Maryse et spatule en bois
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Louche et cuillère à sauce
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Passoire fine ou chinois
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Four professionnel ou ménager
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Poêle pour pré-sauter les champignons
Origine
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Pays : France
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Région : Bourgogne / Sologne
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Inventeur : Transmission orale, codifiée progressivement par les chefs classiques
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Recette codifiée : Oui
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Cahier des charges :
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Chevreuil sélectionné et mariné
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Sauce longue réduite au vin rouge, bouillon et aromates
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Liaison éventuelle au foie gras pour onctuosité
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Service chaud, nappé de sauce brillante
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Historique
Le ragoût de chevreuil à la royale trouve ses origines dans la haute gastronomie française du XVIIᵉ siècle, époque où les repas de gibier reflétaient autant la richesse et le pouvoir des seigneurs que le savoir-faire des cuisiniers. Initialement, le chevreuil était un mets de chasse très prisé, et sa préparation faisait l’objet de codifications strictes dans les cuisines royales et seigneuriales.
XVIIᵉ siècle – Les prémices
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Louis XIII (1601–1643) et Louis XIV (1638–1715) étaient réputés amateurs de gibier, et leurs cuisines royales à Versailles documentent des ragoûts de chevreuil mijotés au vin rouge avec des aromates.
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Les premières mentions d’un « chevreuil à la royale » apparaissent dans les manuscrits de François Pierre La Varenne, notamment dans Le Cuisinier François (1651), qui décrit des ragoûts de gibier avec réduction et liaison des sauces.
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À cette époque, la viande de chevreuil était souvent accompagnée de garnitures nobles telles que lardons, champignons et épices rares (clous de girofle, muscade), réservées aux festins de cour.
XVIIIᵉ siècle – Perfectionnement et prestige
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Sous Louis XV (1710–1774), le chevreuil à la royale devient un plat emblématique des banquets d’hiver et des grandes chasses de Sologne et de Bourgogne.
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Grimod de La Reynière (1758–1837) mentionne dans ses écrits la préférence des souverains pour les ragoûts de gibier longuement mijotés et nappés de sauce onctueuse, souvent enrichie de foie gras ou de crème, pour un goût plus raffiné.
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Les cuisiniers royaux commencent à codifier les techniques : brunissage de la viande, réduction du vin, liaison au beurre ou au foie gras, cuisson lente dans des cocottes fermées pour préserver les sucs.
XIXᵉ siècle – Codification par les grands chefs
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Antonin Carême (1784–1833), considéré comme le premier « chef de grande cuisine moderne », perfectionne le chevreuil à la royale : il recommande la marinade au vin rouge, le sautage des lardons et légumes, le flambage au cognac et la liaison de la sauce au foie gras pour obtenir richesse et onctuosité.
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Jules Gouffé (1807–1877) introduit les champignons sautés et affine la garniture aromatique, en privilégiant un équilibre subtil entre acidité du vin et douceur des légumes.
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Auguste Escoffier (1846–1935) codifie la recette dans son Guide Culinaire (1903) : il met l’accent sur la cuisson précise, le nappage uniforme et la réduction parfaite de la sauce, permettant de sublimer le goût du chevreuil tout en conservant une texture tendre.
XIXᵉ–XXᵉ siècles – Souverains et préférences
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Napoléon Ier (1769–1821), amateur de gibier, aurait préféré le chevreuil à la royale accompagné de champignons et d’un vin de Bordeaux corsé, estimant que la sauce devait être riche mais équilibrée.
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Sous Louis-Philippe (1773–1850), les banquets de chasse à Fontainebleau servaient des ragoûts de chevreuil au vin rouge réduit avec des aromates fins et garnis de foie gras, pour impressionner les invités et affirmer le prestige du souverain.
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Ces plats figuraient également dans les festins bourgeois et aristocratiques, devenant un symbole de raffinement et de gastronomie française.
Évolution culinaire et modernisation
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Au XXᵉ siècle, la recette s’adapte aux cuisines professionnelles et domestiques. On privilégie des cuissons lentes au four, des sauces claires et nappantes, et l’utilisation de fonds de veau ou de volaille pour intensifier les arômes.
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Le chevreuil à la royale conserve sa noblesse, mais les garnitures peuvent varier : pommes de terre fondantes, légumes glacés ou tagliatelles fraîches.
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Aujourd’hui, le ragoût de chevreuil à la royale reste un plat emblématique des fêtes, mariant tradition, savoir-faire historique et richesse aromatique.
Descriptif de la recette
Ce plat de chasse mijoté combine la richesse de la viande de chevreuil avec la profondeur aromatique des lardons, du vin rouge corsé et des légumes. La sauce liée au foie gras apporte une texture onctueuse et brillante, parfaite pour accompagner purées, légumes de saison ou pâtes fraîches.
Ingrédients (pour 4 à 6 personnes)
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1,5 kg de viande de chevreuil (épaule ou cuisse)
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150 g de lardons fumés
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2 oignons
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2 carottes
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2 gousses d’ail
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1 bouquet garni (thym, laurier, persil)
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75 cl de vin rouge corsé (Bordeaux, Cahors)
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50 cl de bouillon de volaille ou de gibier
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2 c. à soupe de farine tamisée
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50 g de beurre
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2 c. à soupe d’huile d’olive
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2 c. à soupe de cognac
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200 g de champignons de Paris
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1 c. à soupe de concentré de tomate
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Sel et poivre
Préparation détaillée
1. Marinade (la veille)
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Sélection et découpe de la viande : choisir des morceaux de chevreuil de qualité (épaule ou cuisse), bien tendres, sans nerfs ni excès de gras. Couper en gros cubes réguliers pour assurer une cuisson homogène.
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Préparation des légumes aromatiques : éplucher et couper les carottes en rondelles régulières pour qu’elles cuisent de manière uniforme. Émincer finement les oignons et écraser légèrement les gousses d’ail pour libérer leurs arômes.
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Assemblage de la marinade : placer la viande et les légumes dans un grand saladier. Ajouter le bouquet garni (thym, laurier, persil) et verser le vin rouge corsé, suffisamment pour recouvrir la viande.
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Repos et infusion : couvrir le saladier avec un film alimentaire ou un couvercle hermétique. Laisser mariner au réfrigérateur pendant 24 heures, en remuant légèrement de temps en temps pour répartir les saveurs. Cette étape permet de tendre la viande et de sublimer les arômes du gibier.
2. Préparation de la viande
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Égouttage et séchage : sortir la viande et les légumes de la marinade. Bien éponger les morceaux avec du papier absorbant pour éviter une cuisson à la vapeur et favoriser le brunissage.
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Sautage de la viande : chauffer un mélange de beurre et d’huile d’olive dans une cocotte lourde. Faire revenir les morceaux de chevreuil à feu moyen-vif jusqu’à obtenir une dorure uniforme sur toutes les faces, ce qui permet de développer les sucs et les arômes. Réserver la viande dorée sur une assiette chaude.
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Sautage des lardons : dans la même cocotte, faire revenir les lardons fumés jusqu’à légère coloration pour apporter profondeur et notes fumées à la sauce.
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Cuisson des légumes : ajouter les carottes, oignons et ail de la marinade et les suer doucement à feu doux, sans coloration excessive. Cette opération libère les sucres naturels des légumes tout en conservant leur douceur.
3. Cuisson du ragoût
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Reconstitution du plat : remettre la viande dans la cocotte. Saupoudrer de farine tamisée et bien mélanger pour enrober chaque morceau. Cette étape, appelée “singer”, permet de lier la sauce par la suite.
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Flambage : verser le cognac sur la viande et flamber avec précaution. Cela concentre les arômes et élimine l’alcool.
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Mouillage et aromatisation : ajouter le vin de la marinade, le bouillon, le concentré de tomate et le bouquet garni. Porter à ébullition, en raclant le fond pour décoller les sucs.
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Mijotage lent : réduire le feu et laisser cuire à couvert 3 heures à feu doux, jusqu’à ce que la viande devienne tendre et que les arômes se fondent. Remuer de temps en temps et écumer si nécessaire pour obtenir un ragoût clair et harmonieux.
4. Ajout des champignons
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Préparation des champignons : nettoyer et couper les champignons de Paris en quartiers ou tranches régulières.
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Sautage : faire revenir rapidement les champignons dans un peu de beurre jusqu’à légère coloration, afin de concentrer leur saveur.
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Incorporation : ajouter les champignons au ragoût 30 minutes avant la fin de cuisson, pour qu’ils s’imprègnent de la sauce tout en conservant une texture ferme.
5. Sauce réduction au foie gras
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Échalote : émincer finement l’échalote pour qu’elle se fonde facilement dans la sauce.
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Fondre et suer : faire fondre le beurre dans une petite casserole et y faire revenir l’échalote jusqu’à translucidité.
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Réduction du vin : ajouter le vin rouge ou porto et laisser réduire de moitié pour concentrer les arômes.
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Ajout du fond de veau : incorporer le fond de veau et laisser réduire doucement jusqu’à consistance légèrement sirupeuse.
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Intégration du foie gras : couper le foie gras en petits morceaux et l’ajouter hors du feu. Mélanger doucement pour obtenir une texture onctueuse et brillante.
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Finition : ajouter la crème fraîche et rectifier l’assaisonnement avec sel et poivre. La sauce doit être lisse, nappante et riche en goût.
6. Service
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Dressage : disposer la viande dans un plat ou directement dans les assiettes. Napper généreusement de sauce réduite au foie gras.
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Accompagnements : servir avec purée de pommes de terre, tagliatelles fraîches, légumes de saison ou garnitures classiques de chasse.
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Décoration : ajouter quelques herbes fraîches ciselées ou quelques lamelles de truffe pour une touche gastronomique.
Versions et variantes régionales
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Bourguignonne : vin de Bourgogne et lardons fumés.
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Gasconne : vin de Madiran, graisse d’oie, ail rose de Lautrec.
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Moderne : réduction au Porto, sans farine, montée au beurre.
Astuces et conseils
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Flamber le cognac pour concentrer les arômes.
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Ne pas trop cuire la sauce après réduction, elle deviendrait amère.
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Toujours filtrer la sauce au chinois pour texture lisse et brillante.
Vins et boissons préconisés
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France : Bordeaux, Châteauneuf-du-Pape, Pomerol
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Espagne : Rioja Gran Reserva
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Italie : Barolo, Brunello di Montalcino
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Sans alcool : jus de raisin noir corsé ou thé fumé Lapsang Souchong
Fiche nutritionnelle (pour 100 g)
Élément | Valeur |
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Énergie | 210 kcal / 879 kJ |
Lipides | 12 g |
Glucides | 3 g |
Protéines | 18 g |
Fibres | 0,8 g |
Allergènes | Gluten possible (si farine de blé utilisée) |
Glossaire
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Suer : cuire doucement un aliment pour en faire ressortir les arômes sans coloration.
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Singer : saupoudrer de farine pour lier une sauce.
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Déglacer : dissoudre les sucs de cuisson avec un liquide (vin, bouillon).
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Napper : couvrir uniformément un aliment d’une sauce.
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Roux brun : mélange cuit de farine et matière grasse servant à épaissir les sauces.
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Flamber : enflammer un alcool pour brûler l’alcool et concentrer les arômes.